Le Carnet du Sophiapol

Appel à contribution : “Travail et marges, travail en marge : subjectivité, psychisme, santé et créativité” 

12 et 13 juin 2025, Campus Condorcet
8, cours des Humanités 93322 Aubervilliers

ARGUMENT
Ce colloque international et interdisciplinaire prévoit de dresser un panorama des marges du travail dans une perspective contemporaine. Il tiendra compte des enjeux sociétaux de santé psychique, tant des hommes et des femmes au travail que de celles et ceux dont ils.elles ont la charge.
Les travaux des chercheur.es en psychologie, des praticien.nes ont pu illustrer que le travail n’est pas que l’activité contractualisée, salariée. Le travail recouvre aussi les activités bénévoles (Simonet, 2018), le travail domestique (Ibos, 2021), les métiers cachés ou réprouvés (Hughes 1951), le travail invisible, illégal, le travail méconnu, le travail qui change de forme (Palier, 2023), et suscite de nouveaux désirs ou du rejet. Autant de contours mouvants, qui échappent, qui existent pourtant et que certain.es chercheur.es, notamment en sciences sociales (Calderón et al, 2016) mettent en exergue grâce à des recherches ethnographiques, des enquêtes en psychodynamique du travail etc.
En 2014 s’est tenu un colloque en sociologie consacré aux marges du travail et de l’emploi1. Dix ans après, nous souhaitons remettre en discussion ces deux vocables : travail/marge. Aujourd’hui, nous poursuivons ces recherches sur les frontières perméables et fragiles du travail et de l’activité humaine lors de ce colloque qui réunira l’inter- et la transdisciplinarité.
C’est pourquoi, à partir de contributions nouvelles et ouvertes, l’objectif sera de s’accorder un temps collectif de réflexivité sur ce que l’on sait aujourd’hui et ce qui nous reste à découvrir pour penser les marges du travail, le travail à la marge, le travail en marge… En explorant autant de déclinaisons possibles des subjectivités au travail et en poursuivant le travail initié dans les années 70 sur la question de l’anthropologie du travail et de sa centralité dans la vie des êtres humains.

Trois thématiques sont ouvertes à contribution.

Thème 1 – Travailler à la marge
Dans le contexte de la mondialisation, les inégalités économiques, les tensions démographiques, les enjeux climatiques sont autant de situations critiques qui viennent rebattre les cartes de la société et qui obligent à penser différemment les pratiques de travail, à en détourner ou en inventer d’autres (Giannini, 2019). Travailler aux marges du travail c’est travailler dans l’invisible (Boursier, 2022 ; Molinier, 2020), le précaire (Wlosko, 2020).) le non-institué, le clandestin (Monnet, 2006), l’illégal (Ferré, Carrère, 2018), le méconnu, le déprécié (Reyssat, 2013), le sulfureux (Lugand, 2023), etc.
Cette première thématique envisage des contributions pour penser le travail à la marge, celui qui ne s’observe pas ou qui reste indicible, non reconnu ou relevant d’activités moralement réprouvées. Il s’agira ainsi de questionner la nature et les motifs des activités multiples qui se déploient de façon marginale en mettant en réflexion ce que ces activités nous indiquent concernant le rapport des sujets – travailleur.es et travailleuses – à ces activités mais également les rapports sociaux qu’ils engagent et les axes réflexifs socio-politiques complexes qui en découlent. Quelle est la nature de ce “travailler” spécifique ? Pourquoi les personnes s’engagent dans de tels métiers qui ne se définissent pas toujours comme tels ? Comment parviennent-elles à y trouver du sens ? Que dit ce travail du culturel et du sociétal ?

Thème 2 – Travailler avec les marges
La thématique 2 s’intéresse aux travailleurs et travailleuses qui agissent avec les personnes marginalisées (Vandecasteele, I. & Lefebvre, A. (2006), en dehors ou aux limites de l’insertion sociale (Mercier-Millot, 2022), scolaire, du travail (Duvoux, 2010) etc. Dans ce cadre, il sera question d’interroger la clinique contemporaine des sujets “en marge” : radicalisé.es (Mansouri, 2019), sans-papiers, migrants, exilés, bannis, extrêmes, sans domicile fixe (Declerck, 2001), marginaux, ceux dits incasables, insaisissables (Hafhouf-Lacôte, 2022), etc.
Elle implique donc de repenser les dispositifs psychothérapeutiques existants (Mellier, 2007) tels que les tests projectifs, la nosographie ou encore de questionner les prises en charges chimiques des “maux psychiques”. Ainsi, il s’agira d’engager une réflexion sur les nouvelles formes cliniques observées et rencontrées par des praticien.nes psychologues ou chercheur.es qui mettent au travail leur créativité pour prendre en charge la souffrance (Nioche, 2022).
De plus la thématique ouvrira une réflexion sur les institutions et les professionnel.les prenant en charge “les marges” (Pinel, 1996, 2007). Enfin, sera investiguée la “fabrique” socio politique des marges sociales en constante transformation.

Thème 3 – En marge du travail
Que signifie aujourd’hui le fait de “travailler à côté” de la vie productive contractualisée ? Ce travail décalé relève d’une volonté de vivre et de travailler différemment qui traverse l’histoire. On pense aux expériences du socialisme utopique du XIXème siècle en passant par les communautés hippies du XXème siècle. Dans cette perspective, il sera question des expériences au/de travail qui peuvent s’inscrire dans une perspective de lutte comme le cas des Zadistes (Verdier, 2022) qui défendent un territoire en inventant d’autres façons de vivre et de travailler. Mais le travail à la marge peut aussi prendre une dimension désirante avec le développement de communautés autonomes, de travail en “remote”, à distance (Ganem et al. 2022) en plate-forme (Cingolani, 2021, Huang, K 2022). Enfin, dans une perspective de décroissance professionnelle de plus en plus prégnante, cette conception du travail invite à repenser les priorités de la vie, à envisager la société des chemins de traverse (Marty, 2021).
La dernière thématique de ce colloque ouvre sur les nouvelles formes du “travailler” qui naissent de la volonté de certains êtres humains de produire du travail à contre-courant des formes d’activités déjà bien instituées et stabilisées. Sur fond de révolte, de militantisme et/ou de résistances plus discrètes et moins politisées, que nous apprennent ces activités marginales ? Que nous disent-elles du rapport contemporain des hommes et des femmes au travail et à la société dans son ensemble ? Quelle est la toile de fond morale, idéologique, intime de volontés nouvelles dans le rapport à la productivité, à la consommation et à l’environnement ?

APPEL A COMMUNICATIONS
Toutes les propositions doivent parvenir au plus tard le 14 février 2025 à cette adresse :
colloquetravailmarges@gmail.com
Deux formes de communications sont ouvertes : communication orale ou poster.
Langue du colloque : français.
Chaque proposition doit être soumise sous le nom de l’auteur.e principal.e.
Communications orales : 20 minutes.
Poster : à imprimer format A3 et à installer et commenter par vos soins.
Proposition Communication/Poster
Il est attendu :
un titre de 150 signes maximum,
un résumé de 2000 signes espaces compris,
5 mots clefs
les rattachements universitaires et/ou institutionnels
une bibliographie indicative de 5 références maximum.
Sont acceptées les études de cas expérimentales, observationnelles, les recherches actions, le récit expérientiel etc. Il conviendra de présenter des résultats de recherche finaux ou préliminaires.
Calendrier :
04/10/2024 : Lancement de l’appel à communication
15/02/2025 : Clôture des soumissions de propositions
31/03/2025 : Envoi de l’avis d’acceptation aux contributeur.trice.s retenue.e
07/04/2025 : Confirmation par les contributeur.trice.s de la participation au colloque
12/13 juin 2025 : Colloque
Colloque gratuit sur inscription obligatoire à l’adresse suivante : colloquetravailmarges@gmail.com
Avant le 1er juin 2025

COMITÉ SCIENTIFIQUE
Cingolani Patrick, Professeur émérite de sociologie – Université Paris Cité, France.
Giannini Mirella, Professeure de sociologie – Université Federico II di Napoli, Italie. Lugand Nathalie, Docteure en psychologie sociale et études de genre, Berlin, Allemagne. Mansouri Malika, Professeure de psychologie clinique · Université Sorbonne Paris Nord, France.
Molinier Pascale, Professeure de psychologie sociale – Université Sorbonne Paris Nord, France.
Nioche Sibony Claire, Maîtresse de conférences en psychologie et psychopathologie- Université Sorbonne Paris Nord, France. Wlosko Miriam, Enseignant-chercheur, Faculté Latino-Américaine des Sciences Sociales FLACSO, Uruguay.
COMITE D’ORGANISATION
Sophie Mercier-Millot, Docteure en psychologie sociale et du travail (UTRPP USPN)
Léa Boursier, Docteure en psychologie sociale et du travail (GTM-CRESPPA, CNRS)
Hindi Hafhouf-Lacôte, Docteure en psychologie clinique (UTRPP USPN)

BIBLIOGRAPHIE
Boursier, L. (2021), « Les mains dans le cadavre : autopsier et réparer les corps. Etude au sein d’un institut médico-légal » Thèse de doctorat en psychologie. Université Sorbonne Paris Nord, 2021.
Calderón, J.-A. , Demailly, L., Muller, S. (dir) (2016). Aux marges du travail. Octarès.
Cingolani, P. (2023). La précarité, Que-sais-je ?, PUF (6e édition mise à jour).
Cingolani, P. (2021). L’informalità del capitale: tempi, lavoro e capitalismo delle piattaforme. Cambio. Rivista Sulle Trasformazioni Sociali, 11(21), 79–89. https://doi.org/10.36253/cambio-10903 Declarck, P. (2001), Les Naufragés. Avec les clochards de Paris, Plon, Paris. Ferré, N. & Carrère, V. (2018). Travailleurs clandestins ou mécanismes clandestins ?. Plein droit, 119, 8-11. https://doi.org/10.3917/pld.119.0008
Duvoux, N. (2010). « Le travail vu par les assistés : éléments pour une sociologie des politiques d’insertion », Sociologie du travail, Vol. 52 – n° 3, pp. 389-408. Ganem, V., Perez, G. & Rebeyrat, J. (2022). L’enseignement à distance : l’oubli des corps au travail. Travailler, 47, 57-77. https://doi.org/10.3917/trav.047.0057
Ganem, V. , Veras Rodrigues, M. (2016). « Quel est l’impact de la faim et de la lutte pour la survie sur le rapport subjectif au travail ? », Pistes, n°18, Disponible sur URL : http://journals.openedition.org/pistes/4673 ; DOI : https://doi.org/10.4000/pistes.4673 (consulté le 16/06/2022)
Giannini, M. (2019). La précarité mise en scène : Les jeunes face aux nouvelles formes de travail en Italie. Tumultes, 53, 19-34. https://doi.org/10.3917/tumu.053.0019
Hafhouf-Lacôte H. (2022), « Les insaisissables » un dispositif thérapeutique pour des adolescents et des post- adolescents en suspens et en exil, Thèse de doctorat en psychologie. Université Sorbonne Paris Nord, 2022 Huang, K. (2022). Implications éthiques du système algorithmique et pratiques des travailleurs des plateformes de livraison de repas: Le cas de Meituan. Réseaux, 232-233, 197-226. https://doi.org/10.3917/res.232.0197
Hugues E.-C., (1951, 1956, 1958, 1970), 1996, Le Regard sociologique, Essais choisis, Paris, Ed. de l’Ehess. Ibos, C. (2021). Travail domestique/domesticité. Dans : Juliette Rennes éd., Encyclopédie critique du genre (pp. 784-794). Paris: La Découverte. https://doi.org/10.3917/dec.renne.2021.01.0784
Lhuilier, D. (2005). Le « sale boulot ». Travailler, n°14, pp.73-98. Disponible sur : https://doi.org/10.3917/trav.014.0073 (consulté le 02/02/2022) Lugand, N, (2023) Sexuality between work and pleasure: A psychodynamic approach to female domination in BDSM heterosexual relationships, Routledge, London, 2023. Mansouri, M. (2019). Penser les postures cliniques face aux radicales réalités adolescentes. Le Genre humain, 61, 189-192. https://doi.org/10.3917/lgh.061.0189 Marty, C. (2021). Travailler moins pour vivre mieux: Guide pour une philosophie antiproductiviste. Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.marty.2021.01
Mellier D. (2007), « Dispositifs de soins au défi des situations extrêmes », sous la direction d’Aubert Annie Élisabeth et SCELLES Régine, Collection Études, recherches, actions en santé mentale en Europe, Erès
Mercier-Millot, S. « De la démotivation à l’engagement dans le travail. Processus de subjectivation dans un atelier chantier d’insertion », Thèse de doctorat en psychologie. Université Sorbonne Paris Nord, 2022
Molinier, P. (2020).Le travail du care. La Dispute. Monnet, J. (2006). Le commerce de rue, ambulant ou informel et ses rapports avec la métropolisation : une ébauche de modélisation. Autrepart, 39, 93-109. https://doi.org/10.3917/autr.039.0093 Nioche-Sibony, C. (2022). Je vous écris en cours de chute. Cliniques méditerranéennes, 105, 113-126. https://doi.org/10.3917/cm.105.0113 Palier, B. (dir) (2023). Que sait‐on du travail ?. Presses de Sciences Po. https://doi.org/10.3917/scpo.colle.2023.01
Pinel J.-P. (1996), « La déliaison pathologique des liens institutionnels dans les institutions de soins et de rééducation- Perspective économique et principes d’intervention », Souffrance et psychopathologie des liens institutionnels, Dunod, réédition 2005, Paris
Pinel Jean-Pierre (2007), « Le traitement institutionnel des adolescents violents », Revue de Psychothérapie Psychanalytique de Groupe, 2007/1, n°48, pages 109-122
Pinel Jean-Pierre (2007), « Violences adolescentes en institutions : report de configurations des liens familiaux incorporées », Dialogue, 2007/2, n°176, Érès
Reyssat, S. (2013). « Travail sale et sale boulot, de la résistance à l’émancipation. Les ouvriers du nettoyage en région parisienne ». Encyclo. Revue de l’école doctorale ED 382, Université Sorbonne Paris Cité, pp.41-53. Disponible sur : hal-00944290 (consulté le 16/01/2022)
Simonet, M. 2018. Travail gratuit : la nouvelle exploitation ?, Paris, Textuel. Vandecasteele, I. & Lefebvre, A. (2006). De la fragilisation à la rupture du lien social : approche clinique des impacts psychiques de la précarité et du processus d’exclusion sociale. Cahiers de psychologie clinique, 26, 137-162. https://doi.org/10.3917/cpc.026.0137 Verdier, M. (2022). À la zad, l’expérience d’une justice anti-autoritaire. Délibérée, 15, 32-36. https://doi.org/10.3917/delib.015.0032 Wlosko, M. (2020). La précarité comme modèle normalisé. Idées et questions. Travailler, 44, 111-127. https://doi.org/10.3917/trav.044.0111