Depuis le refus du traité de Rome par la France et les Pays-Bas, le projet européen est entré dans une crise de légitimité profonde, comme en attestent les troubles économiques récurrents et la montée sensible des partis d’extrême droite. C’est désormais l’idée même d’une identité collective européenne, à reprendre et à consolider sur le plan politique, qui nous échappe, et ce d’autant plus que la pensée politique contemporaine redouble la difficulté en s’enfermant dans des analyses purement constitutionnelles et économiques qui nous la rendent inaccessible. L’embarras qui est le nôtre a bien des origines intellectuelles, s’il est vrai qu’il traduit une conception de l’Europe arrimée au cadre conceptuel de la gouvernementalité libérale, où l’Europe figure comme un espace de concurrence entre forces inégales, étatiques et infra-étatiques, dont le seul équilibre envisageable est celui toujours fragile d’intérêts en conflit.

Or cette Europe qui aujourd’hui se dérobe à l’intelligence collective a jadis été l’horizon où s’est inscrit l’effort intellectuel et politique des fondateurs de la sociologie. Si Emile Durkheim a prolongé la tradition saint-simonienne en situant ses réflexions dans le contexte d’une Europe qu’il considérait en voie de formation, Max Weber a lui cherché à bousculer les certitudes des enfants de l’Europe quant à la portée universelle de leurs valeurs. Constituées au moment de la consolidation de l’Etat-nation, les deux traditions de la sociologie classique ont su pourtant construire un espace supranational d’échanges et de controverses où, à partir de positions certes différentes, elles ont néanmoins abordé des problèmes communs et élaboré un nouveau langage nous permettant de reconfigurer le sens attaché aux principaux concepts de la modernité politique. Quelles catégories la sociologie classique franco-allemande nous fournit-elle alors pour penser l’Europe ? Dans quelle direction nous invite-t-elle à transformer les institutions ? Quelles sont les limites de ces perspectives sociologiques et comment les surmonter?

En répondant à ces questions, ce colloque entend mettre au jour les visions de l’Europe sous-jacentes aux grandes œuvres de la sociologie classique franco-allemande, pour développer ensuite les perspectives politiques qu’elles recèlent. C’est cette Europe des sociologues, toujours à venir, que nous nous efforcerons de faire émerger, afin de mesurer la portée de la sociologie comme sa pertinence pour mieux penser les impasses actuelles de l’Union européenne.
.

Date :
Vendredi 18 et samedi 19 mars 2016

Lieu :
Université Paris Sorbonne – Paris IV
vendredi : salle J636 ; samedi : amphithéâtre Chasles

Organisation :
Francesco Callegaro (LIER-IMM), Nicola Marcucci (EHESS-LIER, New School for Social Research).
Avec le soutien du LabEx TEPSIS.

.

Programme

Vendredi 18 mars
.

 9h00-9h30 : Accueil et café

9h30-9h45 : Introduction des organisateurs

.
9h45-12h00 : L’Europe comme horizon de pensée : aux origines de la sociologie

Introduction : Stefania Ferrando (EHESS-LIER)

Frédéric Brahami (EHESS-GEHM) : L’Europe positiviste

Stefan Koslowski (Université de Tübingen) : Lorenz Von Stein as scholar of Saint-Simon and French Utopians

.
13h30-15h30 : Infra-politique de l’Europe : communes, corporations, droits sociaux

Introduction : Bruno Karsenti (EHESS-LIER)

Mélanie Plouviez (CRHI – Université Nice Sophia-Antipolis) : “L’Europe au travail. Perspectives durkheimiennes”

Céline Jouin (Université de Caen Normandie) : “Otto von Gierke et les droits sociaux”

15h30-16h00 : pause Café

.
16h00-18h00 : L’Europe au-delà de l’Etat : entre normes et idéaux

Introduction : Jean Terrier (Université de Zurich)

Francesco Callegaro (EHESS-LIER), Nicola Marcucci (EHESS-LIER, New School for Social Research) : “L’Europe comme société politique ? Durkheim, le principe fédéraliste et l’idéal de justice cosmopolitique”

Gregor Fitzi (Université de Bielefeld) : “Transnormativité et transnationalité. Simmel et l’Europe”

 

Samedi 19 mars
.

9h00-11h00 : L’Europe à l’épreuve de la guerre : monopole de la violence, conditions de la paix

Introduction : Francesco Callegaro (EHESS-LIER)

Dominique Linhardt (EHESS-LIER) : “Les deux faces du monopole étatique. Réflexions pour une histoire sociologique de la violence”

Bruno Karsenti (EHESS-LIER) : “L’Europe en guerre. Diagnostic durkheimien”

11h00-11h15 : Pause Café

.
11h15-13h15 : L’Europe en commun : cosmopolitisme, internationalisme et droit naturel

Introduction : Nicola Marcucci (EHESS-LIER, New School for Social Research,)

Jean Terrier (Université de Zurich) : “La thèse cosmopolite : réflexions sur son émergence, sa disparition et sa réémergence dans la pensée sociale et politique”

Daniel Chernilo (Loughbourough University) : “The Natural Law Foundations of Classical Social Theory”

 

15h00-18h00 : Table ronde – Penser les impasses du projet européen

Modérateur : Giulio De Ligio (EHESS-CESPRA).

Avec la participation de : Etienne Balibar (Paris X-Nanterre, Columbia University) ; Ulrich Bielefeld  (Hamburger Institut for Sozialforschung) ; Catherine Colliot-Thélène (Université Rennes I) ;  Pierre Manent (EHESS-CESPRA) ;  Danny Trom (EHESS-LIER)

.

.

 

 

---

---